L'obélisque inachevé
Fixé pour toujours dans son lit rocheux, cet obélisque est condamné à rester à l'horizontal.
Fendu, fêlé lors de sa taille, il a été abandonné dans sa matrice de granit. La base de l’obélisque est toujours attachée à son lit de pierre. Il offre une inhabituelle incursion dans les techniques de travail de la pierre de l’ancienne Egypte, avec les marques des outils des travailleurs toujours clairement visibles comme s’ils venaient à l'instant de s’arrêter de travailler (pierre de dolorite, pierre noire extrêment dure). L'étrange destin du plus grand obélisque jamais taillé (il pèse 1200 tonnes et mesure 42 mètres de longueur) est donc de rester dans sa grande carrière de granit rose à Assouan. Le grand monolithe inachevé date probablement du Nouvel Empire.
L'invention des obélisques monolithiques remonte à la VIème dynastie (Ancien Empire). À cette époque, ils marquaient l'entrée des tombes, comme à Qubbet el-Hawa (tombes de nobles d'Assouan), Balat (oasis de Dakhla) ou Saqqarah sud (pyramides des reines de Pépi Ier). Plus tard, sous le Nouvel Empire, ils deviendront colossaux et se dresseront devant les pylônes de certains temples (Louxor, Karnak).
L’exploitation des carrières de granit, de schiste et d’albâtre fut, dès l’antiquité, l’une des richesses de la région. Les blocs étaient transportés vers le nord par la voie fluviale du Nil. L'obélisque était ensuite amené par bateau sur le lieu où il devait être dressé. Sur les bas-reliefs du temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari, on peut voir le transport des obélisques de Karnak, érigés par la reine. Les obélisques érigés à Rome, New York, Istanbul, Paris et Londres ont été taillés dans le granite d’Assouan, roche présente uniquement dans cette région méridionale de l'Égypte.
À quelques kilomètres au sud d’Assouan, plusieurs carrières fournissaient le précieux granit rose destiné aux obélisques, mais aussi les blocs de pierre destinés aux pyramides, aux statues et aux colosses royaux